« Un jour de chien », de Xavier Patier : la toute dernière chasse

Le Monde – lun. 23 septembre

Un domaine déclassé, une chasse à courre qui tourne court et un vieux piqueux qui ne veut pas lâcher. Beau roman d’un monde qui s’achève.

On voudrait croire que rien ne change. Enfin pas davantage que les saisons, qui passent mais qui toujours reviennent. Sauf qu’à se succéder elles emportent les années. Et le monde, au bout du compte, n’est plus du tout le même. Les routes à quatre voies traversent les forêts, les lotissements grignotent les campagnes. Fini les pères en fils, fini les héritages. Les terres sont divisées. La vie rurale est reléguée au musée. Traditions populaires et vieux outils agraires. Alors, la vénerie et ses équipages… Encore une pratique d’un autre âge dont beaucoup s’étonnent d’ailleurs qu’elle n’ait pas complètement disparu.

Le nouveau roman de Xavier Patier se tient en Corrèze, au nord du pays d’Uzerche. Daguet est le vieux piqueux du domaine de ­Fénayes (du « rallye Fénayes » si l’on parle chasse à courre), celui qui s’occupe de la meute des chiens courants. Il a grandi au château, fils du métayer, issu de générations de serviteurs fidèles. Quand Solange, sa patronne, a pris la succession de ses parents, il y avait déjà longtemps que la maison ne menait plus grand train. La domesticité peu à peu est partie. N’est resté que Daguet, qui doit tout faire. Il va aujourd’hui sur ses 70 ans. Le même âge que Solange. Depuis qu’il est jeune homme, il en est amoureux. En secret.

Un jour de chien est un drame cabossé. Une histoire de mélancolie et de bonheur bizarre, une tragédie aussi, qui se déroule un mardi de décembre, de 8 heures du matin à très tard dans la nuit. Solange, énervée, a annulé la chasse. Il fait trop froid, il neige. ­Daguet sent bien qu’elle a d’autres raisons. Il ne tardera pas à les apprendre, après que sont arrivés trois membres d’équipage qu’on n’avait pas prévenus à temps. Ce sont de mauvaises nouvelles qu’il se refuse à croire. Aussi, le vin aidant, abandonnant sa prudence, sa réserve, voilà qu’il s’embarque avec ses compagnons dans une traque au grand cerf qui s’achèvera, grotesque, contre le grillage d’une station d’autoroute. Une dernière chasse où l’hallali qu’on sonne est celui d’une époque. Et de bien des illusions.

Corrézien, Xavier Patier a mené de pair une carrière de haut fonctionnaire avec l’écriture d’une trentaine de romans, recueils de nouvelles, essais. Il joue au peseur d’âmes sans se prendre au sérieux. Dans Le Silence des termites (La Table Ronde, 2009), il faisait s’effondrer toute une civilisation. Ce n’était d’ailleurs pas une grande perte. Avec Un jour de chien, il fait le constat désenchanté que le temps lentement efface des mondes auxquels on tient. Mais, au fond, rien n’empêche de se dire que ça pourrait durer.

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