Karl Reille (1886-1975) incarne une double vocation rare : celle d’un veneur passionné et d’un artiste animalier exceptionnel . Né à Paris dans une famille aristocratique, il s’est rapidement distingué par son talent pour le dessin et son amour de la chasse. De ses aquarelles délicates à ses huiles vibrantes, il a su capturer l’essence même de la vénerie, qu’il pratiquait autant qu’il peignait. À travers ses œuvres, il a non seulement documenté les traditions cynégétiques françaises, mais aussi imprimé une esthétique propre.
Héritage familial et vocation précoce pour la vénerie
Karl Reille naît dans un environnement où l’art et la chasse occupent une place centrale. Son oncle, Pierre de La Verteville, lui transmet sa passion pour la vénerie et l’encourage dans ses premières esquisses. Dès 1906, ils collaborent sur des illustrations pour La Vénerie de Montpoupon , une œuvre qui témoigne déjà de son talent précoce . Ce lien entre chasse et art devient un fil conducteur dans sa vie. En 1914, il illustre La Vénerie Française Contemporaine, un ouvrage majeur qui recense les équipages français de l’époque. Ces premières réalisations révèlent une maîtrise impressionnante du dessin animalier et un sens aigu du mouvement. Malgré ce lancement prometteur, sa carrière artistique connaît des interruptions. Mobilisé lors des deux guerres mondiales, il subit deux captivités en Allemagne. Mais rien ne lui fit lâcher son pinceau.
Un peintre-reporter au service de la vénerie
Karl Reille ne se contente pas d’être un observateur distant ; il participe activement aux chasses qu’il immortalise. En tant que veneur expérimenté (En 1922, il remonte l’ancien Rallye Baudry sous le nom de Rallye Gaîment avec comme associé Jean de Lauriston), il suit les équipages sur le terrain et esquisse sur le vif les chiens, les chevaux et les chasseurs en action. Cette approche lui confère une authenticité unique : ses tableaux ne sont pas des reconstitutions idéalisées mais des instantanés saisissants de la réalité cynégétique.
Ses aquarelles et gouaches capturent avec finesse les détails des scènes de chasse : le galop des chevaux, l’élan des chiens ou encore l’intensité du hallali. À partir des années 1960, il se tourne vers la peinture à l’huile, explorant de nouvelles techniques pour enrichir sa palette.
Reille illustre également de nombreux ouvrages sur la chasse et contribue activement au Bulletin de la Société de Vénerie , dont il est vice-président après la Seconde Guerre mondiale. À travers ces contributions, il joue un rôle clé dans la préservation et la transmission des traditions cynégétiques françaises.
Une œuvre célébrée et intemporelle
Les peintures de Karl Reille ne se limitent pas à une simple documentation ; elles possèdent une dimension artistique qui transcende leur sujet. Son art développe un style alliant réalisme minutieux et poésie visuelle. Ses paysages reflètent l’harmonie entre l’homme, l’animal et la nature, tandis que ses représentations animalières capturent l’énergie brute des chevaux ou l’élégance des cerfs.
Ses œuvres sont aujourd’hui exposées dans des musées tels que celui du Château de Montpoupon ou conservées dans des collections privées prestigieuses. Elles continuent d’inspirer veneurs et amateurs d’art animalier.
Frappé par la maladie en 1973, il s’éteint deux ans plus tard dans sa propriété familiale à Baudry en Indre-et-Loire.