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Faut-il emmener des enfants à la chasse ?

Dans son numéro du 30 juillet dernier, le Figaro s’interrogeait sous la plume du pourtant peu progressiste Paul Sugy sur une question qui fait débat : « faut-il emmener des enfants à la chasse ? »

Notre époque dorlote ses enfants et s’efforce de ménager leur sensibilité, leur confort, leur innocence ; rien ne doit altérer la prétendue pureté de nos bambins. Dans ces conditions, le « spectacle » de la chasse, ce moment où l’homme tue, peut apparaître comme bien peu adapté à de jeunes sensibilités. Et pourtant, la chasse en général et la chasse à courre en particulier constituent un moment de rencontre privilégié avec le monde animal.

Avec les chiens tout d’abord : si vous promenez votre chien en ville, regardez le comportement des jeunes à l’égard de votre fidèle compagnon : un jeune sur deux a peur du « meilleur ami de l’Homme ». En ces temps où on exalte les vertus de l’altérité, nos jeunes craignent l’altérité animale, en ceci qu’ils ne la décodent pas ; bien au chaud dans leur univers familier, ils parlent, à travers les réseaux sociaux, avec des jeunes du monde entier, mais, en réalité, ils n’échangent, dans ces circonstances, que les lieux communs du « village global ». À l’inverse, ils craignent d’aborder un chien dont ils ne décodent pas le comportement ; et pourtant la véritable expérience de l’altérité consiste dans la rencontre physique avec l’autre, pas dans une fantasmatique relation numérique.

La rencontre avec une meute de chiens de vènerie est plus spectaculaire encore : nos chiens de meute sont nombreux et de grande taille pour la plupart, aux ordres et parfaitement inoffensifs avec l’être humain. L’enfant n’est guère plus grand que le chien de meute. Quiconque a vu des jeunes se mêler à une meute de chiens de vènerie, lors d’une fête de la chasse, en conserve un souvenir attendri ; René Kléboth ne manquait jamais son effet lorsqu’il invitait les enfants dans le public à rejoindre sa meute de magnifiques poitevins. L’enfant doit d’abord surpasser une légitime appréhension pour aborder ces inconnus canins si nombreux ; et lorsqu’il s’y risque, il ne récolte au plus que quelques coups de langue humides qui disent l’affection du chien pour l’Homme. Une première étape concluante de la rencontre avec l’altérité. Un premier échange annonciateur de la tendre complicité qui unit l’Homme et le chien, qu’il soit de meute ou pas.

L’autre rencontre que propose la chasse à courre est celle de l’animal sauvage. Une rencontre authentique, avec un animal qui craint et fuit l’Homme, son prédateur historique. La confrontation qui oppose la meute et l’animal de chasse est dénuée de tout artifice. C’est l’exact contraire de Call of Duty, cette série de jeux vidéo où l’enfant-joueur – enfant-tueur – est invité à tirer sur tout ce qui bouge depuis le confort douillet de sa chambre, ce qui en fait un authentique tueur en série virtuel, en redoutant pire…

À la chasse à courre, l’enfant se met en mouvement, sort de sa chambre pour aller dans la nature qu’il fasse froid ou qu’il pleuve, se salir peut-être dans la boue, courir derrière les chiens et les écouter crier leur joie de chasser. C’est un moment de vérité. L’action à laquelle il leur est proposé de prendre part est authentique : celle d’une poursuite entre une meute prédatrice et sa proie. L’animal chassé est proie depuis la nuit des temps et a développé les capacités pour survivre à ses prédateurs. Le chien, descendant du loup, est prédateur, lui-aussi depuis la nuit des temps, et il a développé des capacités olfactives sans égal pour poursuivre l’odeur que laisse l’animal sauvage sur son passage.

Cette rencontre est-elle cruelle ? Voilà bien un mot-valise auquel on fait dire ce qu’on veut. La cruauté, consiste à placer un être vivant dans des conditions que ses capacités physiques et sensorielles ne lui permettent pas d’affronter (un chien enfermé et privé de nourriture, un chat dans une voiture au soleil, un poisson rouge sorti de son bocal). Rien de tel dans la chasse, l’animal chassé possède toutes les capacités physiques et sensorielles pour affronter son prédateur. La meilleure preuve en est qu’il lui échappe trois fois sur quatre.

Alors oui, il faut bien sûr emmener nos enfants à la chasse, pour leur faire rencontrer la vraie nature, pas le monde fantasmé de Walt Disney où le roi-lion est l’ami du phacochère, mais celui fait de chair et de sang où les animaux luttent et combattent pour survivre dans un environnement magnifique mais toujours hostile.

Loin de développer une quelconque pulsion morbide, la vènerie offre plutôt à l’enfant d’accéder à la connaissance du sacré dans le sens où l’entend le philosophe Régis Debray : « Ce qui légitime le sacrifice et interdit le sacrilège » : le sacrifice de l’effort et l’interdit du sacrilège, qui consiste dans l’éthique de la chasse.

Le sacré est ce qui donne la vie et ce qui la ravit, c’est la source d’où elle coule, l’estuaire où elle se perd. Roger Caillois

Chasse à courre et propriété privée

Pour chasser, les veneurs ont besoin d’espace (Monsieur de Lapalisse n’aurait pas dit mieux). Trois configurations coexistent et parfois se cumulent : soit ils possèdent le territoire sur lequel ils chassent, soit ils y sont invités, soit ils le louent. Aucune autre possibilité ne s’offre à eux.

Hélas, les animaux ne connaissent pas les limites de ces territoires, et, en tout cas, leur course peut les conduire à en sortir. La chasse arrive alors chez les voisins ! en conséquence, on comprend que la question du droit de propriété est intimement liée à la pratique de la chasse à courre.

Qu’en est-il des règles en usage dans les circonstances où l’animal de meute sort du territoire de chasse ? Comme toute pratique cynégétique, la chasse à courre est encadrée par des règles strictes. En matière de propriété privée, les règles sont simples : le propriétaire ou l’ayant-droit d’un territoire autorise ou n’autorise pas le passage de la chasse à courre sur ses terres. S’il ne l’autorise pas, les chiens sont repris aussi rapidement que possible. Il appartient donc à l’organisateur de la chasse ou à celui qui l’accueille de connaître les volontés de ses voisins.

Il en est ainsi pour les équipages très majoritaires qui chassent en territoire privé. Il en va de même pour les équipages qui louent des forêts domaniales. Ces dernières sont, par définition, entourées de propriétés privées ; il appartient, là-aussi, aux équipages qui les louent de connaître les volontés de leurs riverains et de les respecter, sauf à encourir les poursuites de ceux qui y seraient opposés.

Nos opposants avides de mises en scènes mélodramatiques stigmatisent désormais le passage des équipages dans les propriétés privées. Après avoir tenté d’émouvoir le grand public avec la mort d’animaux dont la régulation encadrée et contrôlée est une nécessité, ils présentent désormais les veneurs comme les nouveaux envahisseurs, dignes descendants de Gengis Khan, l’empereur mongol dont les campagnes militaires le menèrent jusqu’aux portes de l’Europe, il y a huit siècles.

Une vidéo montre-t-elle une barrière qui s’ouvre au passage d’un cavalier pénétrant dans un pré, et c’est, bien sûr, une violation manifeste du droit de propriété qu’il faut dénoncer ! Renseignements pris, le veneur est seulement entré dans son pré, ou celui d’un de ses vieux amis !

Ce serait risible si ça ne risquait d’induire le grand public en erreur. C’est surtout la démonstration répétée de la totale ignorance de nos opposants pour ce qui touche à la chasse à courre, ses usages, les règles qui l’organisent et la réalité du monde rural. Heureusement, à force de brandir leurs téléphones sur la plus anecdotique séquence de chasse pour échafauder des hypothèses farfelues, nos lanceurs d’alerte autoproclamés ne font que démontrer l’inanité de leurs actions.

Soyons parfaitement clairs, les veneurs ne sont pas au-dessus des lois et si, d’aventure, il était acté que l’un de nous est contrevenu dans une circonstance particulière aux règles qui régissent la chasse, il serait, comme tout citoyen, passible de poursuites. Pour autant, ça ne justifie pas de débiter des calomnies pour alimenter une idéologie nauséabonde.

Grand succès pour l’Assemblée Générale de la Société de Vènerie 2024

500 participants avaient pris place dans la salle de l’Assemblée Générale de la Société de Vènerie qui se tenait le samedi 25 mai au Grand Parquet de Fontainebleau, dans le cadre de Nature et vènerie en fête. Face à eux, Pierre-François Prioux, président de la Société de Vènerie, avait réuni un parterre d’intervenants de grande qualité. Ce sont ainsi Julien Gondard, maire de Fontainebleau, Pascal Gouhoury, président de la communauté d’agglomération du Pays de Fontainebleau, Benoît Chevron, président de la Fédération des Chasseurs de Seine & Marne, et Jean-Louis Thiériot, député de Seine et Marne, qui souhaitèrent tour à tour la bienvenue à la très nombreuse assistance.

Dans son rapport moral, Pierre-François Prioux a notamment évoqué les excellents contacts que les veneurs ont su établir avec leurs parlementaires, dans toutes les régions de France. Il a salué les maîtres d’équipage dont les chasses de la saison passée (16 000 journées cumulées) se sont déroulées sans presque aucun incident. L’école des piqueux est un des enjeux majeurs de l’année 2024/2025 ; un bilan précis en a été présenté par Henry Séchet qui porte ce projet avec la Maison Familiale Rurale de Bournezeau.

(suite…)

Deux p’tites nouvelles et puis s’en vont… en vacances

En ces temps où l’actualité nationale et internationale attire l’attention bien loin des sujets de la chasse, deux nouvelles méritent cependant de retenir l’intérêt des veneurs.

Le 24 mai, une dépêche de l’AFP faisait savoir que « Le parquet de Soissons a requis le renvoi en correctionnelle de Christophe Ellul pour « homicide involontaire » après la mort de sa compagne Elisa Pilarski des suites de morsures canines dans une forêt de l’Aisne fin 2019. L’instruction a permis de « réunir des charges suffisantes » pour identifier le seul animal à l’origine des blessures ayant causé la mort de la victime, à savoir le chien Curtis, appartenant à M. Christophe Ellul. »

Chacun se souvient de la tempête médiatique qui s’était abattue sur la vènerie après la mort tragique d’Elisa Pilarski, décédée d’une hémorragie consécutive à des morsures de chien. Une chasse à courre se déroulait le même jour dans la forêt où Elisa se promenait ; il n’en avait pas fallu plus à des esprits malveillants pour incriminer les veneurs. Le maître d’équipage mis en cause avait longtemps subi les pires attaques sur les réseaux sociaux, dans la presse avide de scandale et dans les propos de nos opposants les plus acharnés qui rêvaient tout simplement de nous voir endosser la responsabilité de cette atrocité. Il avait fallu ferrailler dur sur les plateaux de télévision, dans la presse locale, sur les réseaux sociaux, et aussi se défendre en justice pour réussir peu à peu à écarter les soupçons. Ce fut enfin chose faite par des rapports d’expertise concordants.

Et ainsi que le rapporte la même dépêche AFP du 24 mai « Les éléments de l’information judiciaire ont permis d’écarter l’hypothèse d’une attaque de la jeune femme par les chiens de la chasse à courre ». On le savait, mais, 5 ans après les faits, ça fait pourtant du bien de le voir officiellement confirmé.

Une autre nouvelle de l’AFP, datée elle du 14 mai, nous renvoie plusieurs centaines de milliers d’années en arrière. Elle nous informe que « L’endurance à la course, propre aux humains, a procuré à nos ancêtres du Paléolithique un moyen supplémentaire pour chasser le gibier, selon une étude utilisant un grand nombre de récits ethnographiques ignorés jusqu’ici. Les ancêtres de l’Homme pratiquaient largement la chasse à l’endurance. » Ils avaient, en effet, acquis une capacité de sudation hors norme, et donc de dissipation de la chaleur résultant de l’effort qui leur permettait de maintenir un long effort. Autre atout identifié depuis par les biologistes, la musculature du squelette de nos ancêtres privilégiait les fibres lentes, plus adaptées à l’endurance que celles dites rapides, gage de tonicité.

Des caractères propres aux membres inférieurs de l’humain évoquent l’apparition de qualités d’endurance chez l’ancêtre d’Homo sapiens, il y a 1,8 million d’années.

La nouvelle de l’AFP se terminait ainsi : « La question reste ouverte de savoir dans quelle mesure la chasse à l’endurance a induit une pression sélective sur les ancêtres de l’Homme. »

Autrement dit la chasse à l’endurance, dont la vènerie est la continuation dans l’ère chrétienne, ne serait-elle pas à l’origine de l’évolution de l’Humanité ? Ambitieuse hypothèse dont les veneurs aimeraient pouvoir se prévaloir…

Bon été, amis veneurs !

Les opposants à la chasse à courre à bout de souffle durant la saison 2023-2024.

Parcourir nos forêts dans la fraîcheur de l’automne et la rigueur de l’hiver nécessite plus de motivation que la seule volonté d’entraver une chasse à courre. Il en faut de la détermination pour partir en forêt, par tous les temps, et y passer des journées entières. Les veneurs la trouvent dans leur passion pour le noble déduit, les ruses de l’animal qu’ils chassent et les capacités de leurs chiens à en triompher (ou pas…).

La passion triste des abolitionnistes revendiqués semble bien s’essouffler. C’est, du moins, ce que révèlent les chiffres, qui eux, contrairement à nos opposants, ne sauraient mentir. Sur trois ans, au 31 mars, le nombre d’opposants comptabilisés sur le terrain de nos chasses a diminué de 65%.

Il faut dire que, par-delà l’usure propre à l’exercice, les esprits les plus pervers pouvant eux-mêmes se lasser d’harceler les gens, les tromperies du petit clan réuni autour du leader picard moustachu ont fini d’être éventées par ceux qui, ingénument, avaient d’abord cru à leurs élucubrations.

Dans ce contexte facialement plus serein, les équipages demeurent attentifs à mener leurs laisser-courre dans le respect, non seulement bien sûr de la législation, mais aussi d’une harmonieuse cohabitation avec les autres activités de la nature. Car ne nous leurrons pas ! Nos opposants poursuivent en sous-main un travail de lobbying insidieux auprès de nos élus ; ils disposent, pour ce faire, d’appuis auprès d’idéologues animalistes déjà très introduits dans les arcanes du pouvoir. Dès lors, le combat n’est pas seulement celui de la préservation de la vènerie mais de notre patrimoine culturel face à une « cancel culture » qui ne se cache plus.

Montrer la mort

On a coutume de classer les motivations des opposants à la chasse à courre en deux catégories : la lutte des classes et le bien-être animal. On a démontré maintes fois que l’une et l’autre étaient de pures constructions de l’esprit et que la réalité était à l’exact inverse. Et pourtant l’opposition à la chasse à courre perdure ; n’y aurait-il pas à en chercher une autre raison ?

Dans l’ouvrage qu’il a récemment publié* et que, décidément, il faut lire, Charles Stépanoff déclare notamment : « La chasse à courre est en totale contradiction avec le statut de la mort dans notre société, à la fois camouflée et industrialisée. » Attardons-nous un instant sur cette remarque fondamentale, en nous limitant à la mort des animaux.

Que cette mort soit cachée, c’est certain. Il est bien loin le temps où la famille se réunissait dans la cour de la ferme pour voir « tuer le cochon », et c’est même devenu un hypothétique spectacle qui vaudrait le bûcher à ceux qui entreprendraient d’y faire assister de jeunes enfants. La mort est industrialisée aussi, afin de pourvoir aux besoins en alimentation carnée d’une population toujours plus nombreuse. Et c’est sans doute cette industrialisation qui a fait disparaitre la mort des animaux. On ne les voit pas mourir ; on ne les connaît pas ; on ne les reconnaît pas dans le conditionnement cellophané qu’on en fait. A ce prix, il est supportable de s’en nourrir. C’est l’idée de la mort qui est rejetée par nos contemporains.

Pour continuer à ne parler que des animaux, un vétérinaire témoignait récemment du comportement étrange des propriétaires au moment de la mort de leur chien, lorsqu’une piqure va abréger leurs ultimes souffrances. Très peu de ces maîtres sont auprès d’eux dans ces instants ; ils s’en remettent au praticien et « ne veulent pas voir ça ». Et pourtant, témoigne le vétérinaire, les yeux du chien désemparé qui sent la mort venir cherchent désespérément le maître à qui ils ont donné tout leur amour durant leur vie. N’est-elle pas là, la véritable cruauté, un maître qui refuse sa présence à son fidèle compagnon au seuil de la mort, par peur de s’en trouver attristé ? Fatal égoïsme !

Effectivement, la chasse à courre est l’exact inverse de ces lâchetés. Les veneurs se réunissent dans l’objectif de chasser et de prendre un animal qui va devenir « l’animal » de la journée, objet de la quête des chiens servis par les hommes, objet de l’admiration des hommes qui le chassent, spectateurs de son habileté à déjouer ses poursuivants comme de son courage physique. Un et un seul animal de chasse car, comme le dit le proverbe, on ne saurait courir deux lièvres à la fois. Une relation brève mais intense, admirative, respectueuse, se noue entre l’animal sauvage et ceux qui le chassent. Le voir vivant puis le voir mort si les chiens en triomphent sera le signe d’une journée réussie. L’animal sera fêté à la curée. On célébrera son combat, ses ruses, la capacité des chiens à en triompher. Autour des veneurs se réuniront les riverains, amis, propriétaires. Assurément, sa mort n’est pas cachée ; c’est même tout le contraire.

Au dîner qui suit la chasse, certains équipages ont coutume de placer la dépouille de l’animal pris au centre de la table. Rien de « barbare » là-dedans, mais encore une fois l’hommage à cet être sauvage qui a réuni les hommes dans sa quête pour un moment de partage.

Tout être vivant va mourir. Ceux que chasse la vènerie sont abondants dans nos campagnes et leur chasse ne met pas en péril la survie de leur espèce. En revanche leur régulation est nécessaire ; et si la part qu’y prend la chasse à courre est modeste, au moins rend-elle aux animaux qu’elle prélève l’hommage de l’Homme à la nature dans un cérémonial chargé de signification. Cela peut sembler dissonant dans la société moderne. Mais plutôt que de le condamner, il faudrait plutôt se réjouir de cette culture diversitaire dont nos « influenceurs » dominants ne cessent de vanter les mérites.

* « L’animal et la mort »  aux éditions de La Découverte.

Une députée européenne à la chasse à courre

Le 27 janvier, Caroline Roose, députée européenne du Groupe des Verts, s’est rendue en forêt de Villers-Cotterêts pour « découvrir la chasse à courre. » Louable curiosité de la part de l’une de nos élus ; mais hélas, elle avait choisi de s’accompagner des représentants d’AVA Picardie. C’est un peu comme ouvrir une bouteille de Pétrus avec un buveur d’eau : pas certain qu’il apprécie à sa juste mesure la qualité du flacon. Ce serait risible si ce n’était affligeant.

Encore une fois, le fait qu’une élue européenne s’intéresse à notre activité doit être considéré comme une chance ; mais prétendre « découvrir la vènerie » avec ses opposants les plus acharnés, ce n’est pas s’informer, c’est seulement vouloir alimenter sa propre idée préconçue. Epargnez-vous le récit de sa journée qu’elle a mis en scène sur les réseaux sociaux : il est dénué de tout intérêt, et même de toute anecdote qui pourrait nous être défavorable ; on imagine que son escorte AVA et elle-même n’ont pourtant pas ménagé leurs efforts pour tenter d’en trouver une.

Puisque, faute de mobiliser sa volonté de comprendre, il faut bien faire parler son émotion pour alimenter son idéologie préconstruite, Caroline Roose conclut sa vidéo-témoignage en se disant choquée.

Tout d’abord, elle est choquée de voir de jeunes enfants à la chasse. Elle devrait plutôt tirer profit de ce constat pour remettre en question son propre avis sur la vènerie : pourquoi de jeunes enfants, « symboles de pureté et d’innocence » et surtout dénués d’a priori, se passionnent-ils pour notre mode de chasse quand une élue cinquantenaire, pétrie d’idéologie biaiseuse, la rejette ? Caroline Roose trouve cela « anormal » s’inscrivant ainsi en arbitre de la normalité, posture classique de tous les extrémismes. On frémit à l’idée de la normalité qu’elle souhaite imposer au monde.

Son autre choc, c’est l’épuisement des animaux que nous chassons. Faut-il redire qu’un animal forcé n’est pas un animal épuisé, que la confrontation de l’animal de chasse avec la meute est d’abord fondée sur la capacité des chiens à déjouer ses ruses, ce qu’ils ne parviennent à faire qu’une fois sur quatre ? En fait de fatigue, si l’animal chassé se fatigue effectivement, les chiens, les veneurs et les chevaux, se fatiguent tout autant. Et bien souvent les animaux chassés l’emportent sur les chiens car, dotés d’une résistance physique supérieure, ils se fatiguent moins et moins vite que ces derniers.

Caroline Roose, comme ses comparses, ne travaille pas à construire une Europe riche de la diversité de ses cultures, mais milite, au sein de nos instances européennes, en faveur d’une idéologie qu’aucun veneur ne peut partager. A l’approche des échéances électorales européennes, tous les amis de la vènerie doivent s’en souvenir.

La grande bataille des perceptions

Dans le monde médiatiser où nous vivons, les perceptions relèvent du ressenti et de l’émotion, presque jamais de connaissances acquises, la première approche réclamant beaucoup moins d’effort que la seconde pour ceux qui les expriment comme pour ceux qui les écoutent.

A propos d’un conflit d’une tout autre ampleur qui dévaste actuellement le Proche Orient, un commentateur évoquait récemment la « grande bataille des perceptions. » Dans le conflit qui voit s’opposer chasseurs et animalistes, conflit moins meurtrier convenons-en tout d’abord, les chasseurs abordent la « grande bataille des perceptions » avec un réel handicap.

La polémique lancée à grands coups de propagande mensongère par les opposants à la vènerie lors d’une chasse dans un grand massif du centre de la France en a fourni un excellent exemple au cours de la saison. L’équipage qui chassait sur son territoire avait simplement retiré la meute et gracié l’animal de meute lorsque celui-ci était entré dans le jardin d’une maison, appliquant ainsi à la lettre l’arrêté ministériel du 25 février 2019 qui stipule que les équipages de vènerie ont l’OBLIGATION légale de gracier un animal pénétrant à proximité des habitations.

Cet épisode paraissait s’achever dans le strict respect de la légalité ; c’était faire peu de cas de la « grande bataille des perceptions » qu’entamaient deux jours plus tard nos opposants, d’ailleurs totalement absents le jour-même. A force d’appels téléphoniques multipliés aux habitants du village où se situait le jardin, ils en identifiaient enfin le propriétaire. Brave homme, celui-ci expliquait qu’il n’avait rien contre la chasse mais qu’il ne voulait pas qu’elle entre dans son jardin ; rien là que de compréhensible !

Il avait « sauvé ce beau cerf qui n’avait rien demandé » etc.

L’autoproclamée lanceuse d’alerte animaliste qui avait débusqué ce témoin en concluait dans son pseudo-reportage que les habitants demandaient l’interdiction de la chasse sur le territoire de la commune. Cette commune, elle en connaît peu les habitants puisqu’elle est installée dans la région depuis deux mois et qu’elle en prononce mal le nom, quand l’équipage incriminé réside sur le territoire de la forêt depuis deux siècles, connaissant chaque village et ses habitants.

Et pourtant, dans la « grande bataille des perceptions », ce brave riverain est la belle âme, sauveur de cerfs, et l’animaliste le vaillant lanceur d’alerte, combattant contre les vestiges d’un temps révolu. L’un et l’autre oublient ce faisant que la chasse du grand gibier est soumise en France à un contrôle strict et réglée par la nécessité de réguler les espèces sauvages pour rendre leur existence, sous nos latitudes, compatible avec les activités humaines. La vènerie contribue à cette régulation, et l’animal prétendument sauvé ce jour-là aura très certainement été tiré quelques jours plus tard par un autre chasseur.

Convenons cependant que cette explication un brin technique est bien éloignée des clichés racoleurs qui aident à gagner la « grande bataille des perceptions. » Mais cette bataille n’est pas la guerre, que les chasseurs et les veneurs gagneront s’ils expliquent sans relâche le bien-fondé de leur action aux élus, aux relais d’opinion, à la population dans son ensemble. Notre cause est juste ; elle nécessite d’aller au-delà de l’émotion des perceptions ; il appartient à chacun de nous de porter le message, d’être un veneur militant.

Une artiste à la découverte de la vènerie

Liska Llorca est une artiste aux multiples talents. Un peu par hasard, elle a récemment assisté à sa première chasse à courre. Cela lui a inspiré quelques dessins et les quelques mots qui suivent. Quand la sensibilité d’une artiste rencontre le noble déduit.

« J’ai eu la chance et l’honneur d’être invitée à une chasse à courre il y a quelques jours. Passionnant, surprenant. Beaucoup d’énergies échangées et la communauté animal-humain « déroutante. » L’échec est parfois là, comme la réussite, la réflexion, la mise en défaut, la technique et la stratégie. Les chiens admirables. Les chevaux passionnés. Les hommes respectueux de la vie. Et une chose surprenante m’est apparue : c’est le son qui permet la chasse, celui des chiens, des trompes et des hommes ; tout n’est encore ici que vibrations, langage sans lequel rien ne serait possible. J’ai essayé de gribouiller aux recoins des forêts sur le vif, rapide. Exercice difficile mais très intéressant. Et puis écouter ces mélodies, les larmes viennent aux yeux par la beauté. »

Liska Llorca
Artiste peintre & plasticienne
Le 14 janvier 2024

Interview croisée des piqueurs de chevreuil

Les hommes de vènerie consacrent leur vie à la passion qu’ils partagent avec des milliers de veneurs. Ils la vivent au quotidien. Leur métier est exigeant ; cependant, peu d’entre eux en changeraient. Ça s’appelle une vocation. Vènerie a souhaité leur donner la parole pour faire mieux connaître les ressorts et les exigences de leur activité. Les interviewés d’aujourd’hui chassent le chevreuil. Leurs parcours sont variés : l’arrière-grand-père de l’un était déjà piqueur, l’autre a découvert la chasse à courre dans sa jeunesse ; l’un chasse dans les forêts picardes, d’autres dans l’Ouest de la France. Ils nous disent d’une même voix le bonheur de leur métier.

Antoine Gallon : Comment avez-vous découvert la vènerie ?

Débuché – Rallye Chouan : Je suis issu d’une famille de chasseurs ; en revanche ni mes parents, ni mes grands-parents n’étaient veneurs, mais lorsque j’étais adolescent, je suivais à pied les chasses à courre au chevreuil du Rallye Chouan qui se déroulaient à côté de la maison. Avec l’accord du maître d’équipage, je suivais les chiens en débucher, faisant parfois des parcours de plus de 10 kilomètres en courant. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle mon maître d’équipage m’a donné « Débuché » comme nom de vènerie.

Laverdure – Rallye Oléronnais : Arrière-petit-fils de Louis Brousseau et petit-fils de Guy Brousseau, je ne peux pas vraiment dire que j’ai découvert la vènerie ; je suis né dans une famille de veneurs en pleine saison de chasse ; j’ai donc assisté à mon premier laisser-courre à l’âge de 5 jours, qui plus est dans l’équipage où je suis actuellement piqueur car mon père y était bouton.

Vol au Vent – Rallye Pic’Hardi Chantilly : J’ai découvert la vènerie dans mon enfance grâce à ma famille qui m’emmenait en forêt voir, durant les vacances, l’Équipage Vénerie du Berry. Puis un ami me fit découvrir la vènerie du lièvre avec le Rallye Plaisance où j’ai beaucoup appris sur les chiens.

La Feuille – Équipage Brissac : J’ai toujours connu la vènerie parce que mon père était second à l’Équipage Champchevrier et ma mère a chassé toute sa vie. Au fil des années, je n’ai pas pu m’en passer, fasciné par le travail des chiens. J’ai d’abord suivi mon père, puis des louvetiers, avant de suivre Olivier de La Bouillerie pendant une dizaine d’années.

A. G. : Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce mode de chasse ?

Débuché : Le travail des chiens, le défi. Les difficultés auxquelles nous sommes confrontés pour prendre un chevreuil sont nombreuses. J’aime aussi beaucoup la trompe que je pratique depuis mon adolescence.

Laverdure : Je suis avant tout un grand passionné de chiens, de génétique. Ce qui me fait le plus vibrer avant l’acte de chasse en lui-même, c’est le travail du chien, voir les chiots de lignées sélectionnés devenir de bons chiens de vènerie. Je suis, je le pense, plus éleveur que chasseur.

Vol au Vent : J’ai été séduit tout d’abord par la chasse puis, les années passant, par le travail du chien et le contact avec le cheval.

La Feuille : J’ai participé à beaucoup de chasses à tir, au déterrage, et j’ai été plus particulièrement attiré par le chien et son travail !

A. G. : À quel moment et pourquoi avez-vous décidé d’en faire votre métier ?

Débuché : À 18 ans, après avoir suivi un apprentissage et obtenu un BEP de menuiserie, je suis parti dans une usine dans laquelle j’effectuais du montage de meuble. Travailler entre quatre murs, ce n’était pas vraiment mon truc, j’avais envie de grand air ; c’était il y a 30 ans. Cette année-là, Robert Rochais confia le fouet du Rallye Chouan à Henry Séchet qui devint alors maître d’équipage et qui me recruta au début comme valet de chiens, puis comme piqueur.

Laverdure : Depuis tout petit, je savais que je voulais être au contact des chiens. J’ai fait des études car mes parents le souhaitaient et je me suis donc naturellement orienté vers la filière forestière où j’ai passé un Bac Scientifique Biologie-Écologie puis un BTS Gestion Forestière. Les épreuves de BTS se terminant fin juin, le 1er juillet, à 20 ans, j’avais mon premier contrat de piqueur dans un équipage sans que ma famille soit au courant.

Vol au Vent : J’ai décidé à la fin de mes études, l’opportunité s’en présentant, d’en faire mon métier au grand désespoir de mes parents ; à la fin de mes études, je n’ai pas passé mon examen, car la place était à prendre à l’équipage mi-juin.

La Feuille : À l’âge de travailler, j’ai, comme mon frère, été engagé dans l’armée, et par chance, au même moment, une place s’est libérée dans un équipage plus au sud de la Touraine. Encouragé par mes parents, je me suis porté volontaire pour rentrer dans l’Équipage de Neubourg à Hervé de Boisset et découvrir le métier.

J’ai postulé pour faire le métier qu’au fond de moi, j’avais toujours eu envie de faire, comme Olivier Carré chez Champchevrier ou la Branche au Rallie Touraine. J’adore ce métier parce que le plaisir est dans le travail. Le matin lorsque je sors, je ne vais pas au travail, je vais voir mes chiens !

A. G. : Vous vivez chaque journée de l’année auprès de la meute ; qu’est-ce qui vous intéresse le plus dans la relation privilégiée que vous entretenez avec les chiens ?

Débuché : Les nourrir chaque jour, leur apporter le meilleur confort et les meilleurs soins possibles au plan sanitaire. Mais ce qui me procure les plus grandes sensations, c’est de les voir chasser. Pouvoir les observer, les entendre crier, les voir progresser.

Laverdure : C’est difficile pour moi d’expliquer la relation avec mes chiens, c’est un ressenti propre à chacun. Je sais que je ne pourrais pas vivre sans eux, ils sont tous différents, chacun a sa personnalité, sa susceptibilité. Quand on me demande combien j’ai de chiens au chenil, je réponds toujours : « Les chiens ce n’est pas un nombre ; si vous voulez le nom de chaque chien, je peux vous le dire et vous comptez ».

Vol au Vent : Ce qui m’intéresse, avec la meute, c’est son bien-être, que tout soit dans le calme au chenil et, à la chasse, que l’union fasse la force.

La Feuille : Pour moi, les meilleurs moments sont les matins de chasse, lorsque je fais le chenil, ou que je nourris les chiens. Ce sont des moments de complicité avec mes chiens que je n’ai pas à la chasse. Je préfère être seul le matin au chenil. C’est un moment précieux que j’ai du mal à partager. Pendant ces moments, je peux percevoir leur regard et la tendresse qu’ils me manifestent.

L’élevage est aussi une période magique. Ce sont des semaines très stressantes pour moi. Il faut toujours être sur le qui-vive, en surveillance. Je n’ai pas le droit à l’erreur. Si on loupe l’élevage, on loupe une saison. Nous choisissons les reproducteurs un an à l’avance avec des qualités de chasse, d’élégance et une bonne capacité de récupération.

A. G. : L’équipage qui vous emploie chasse le chevreuil ; qu’est-ce qui vous intéresse plus particulièrement dans la chasse de cet animal ?

Débuché : Le chevreuil est un animal difficile, d’une résistance incroyable, doté d’un instinct de survie que l’on ne peut imaginer. Au chevreuil, ce n’est jamais gagné, la moindre erreur des chiens ou des hommes peut être fatale.

Laverdure : J’ai chassé un peu tous les animaux, sauf le renard que je ne connais pas. Je trouve que la vènerie du chevreuil et celle du lièvre (dont je suis maître d’équipage avec des Beagles d’ailleurs) sont les plus techniques et subtiles. Au chevreuil, je mets entre 20 et 25 chiens, pas plus, c’est souvent les mêmes qui sortent deux fois la semaine, on les connaît par cœur, on est proche d’eux. Je dis souvent, je préfère en mettre 20 bons seulement que 20 bons et 10 moyens, c’est plus facile à gérer et il y a moins d’erreurs. Le chevreuil est un animal rusé, avec lequel il faut en permanence se torturer l’esprit. Le change est difficile à gérer avec des populations d’animaux qui explosent.

Une anecdote : on chasse un gros brocard, une chasse rondement menée pendant 3 heures sans défaut ; notre brocard est hallali courant à vue des chiens dans une futaie claire, et soudain, volatilisé, impossible de le retrouver malgré nos efforts, « rosalie ». C’est ingrat pour la meute et les hommes qui s’y sont donnés toute la journée, mais c’est la vènerie du chevreuil !

Vol au Vent : Ce qui m’attire dans la vènerie du chevreuil, c’est que je trouve un mixte entre la technicité de la vènerie du lièvre et le chassé de celle du cerf.

La Feuille : J’ai beaucoup chassé le lièvre dans mes premières années. La chasse au chevreuil se rapproche beaucoup de celle du lièvre. C’est un animal à la fois magnifique et très difficile à chasser. Ses ruses m’étonnent toujours.

Dans cette chasse, le travail du chien est passionnant. Il faut en permanence tenter de savoir ce que l’animal aurait pu faire et s’efforcer d’anticiper. Il faut réfléchir avant de tomber en défaut en fait.

A. G. : L’exercice de la chasse à courre au XXIe siècle conduit la Société de Vènerie à donner des recommandations et des consignes aux équipages. Comment recevez-vous ces recommandations ? Comment influent-elles sur votre manière de chasser ?

Débuché : C’est vrai, nous ne pratiquons plus la vènerie comme autrefois. Désormais, il faut faire preuve de prudence en toutes circonstances. Lors de l’hallali mais aussi durant la chasse, la traversée des routes, les droits de suite, les débuchés : tout devient « sensible ». Il faut parfois savoir renoncer et éviter de prendre le moindre risque, car, avec les réseaux

sociaux, le moindre incident, y compris en pleine campagne, peut se retrouver au journal télévisé le soir même. Mon maître d’équipage est très attaché au respect de toutes ces consignes et recommandations, mais, malgré les plus grandes précautions, nous ne sommes jamais à l’abri d’un incident.

Laverdure : Nous sommes encore assez privilégiés dans nos forêts, car nous avons les droits de suite en extérieur ; les anti-chasses sont bien venus quelques fois, mais ils ne comprennent pas trop la vènerie du chevreuil. En ce qui concerne les habitations, on a une zone un peu à risque au centre de la forêt dont les cavaliers ne s’approchent pas. Pour l’instant tout se passe bien, on passe en essayant d’être discret, poli et courtois. Il arrive que l’on prenne des chevreuils non loin de ces habitations, je reprends la meute et on se retire rapidement en forêt sans sonner.

Vol au Vent : Pour ce qui est de la vènerie au XXIe siècle, nous sommes obligés de s’adapter au nouvel environnement qui entoure et influe sur nos territoires. Nous ne pouvons plus laisser chasser nos chiens comme il y a encore quelques années. Nos chiens sont obligés d’être de vrais chiens d’ordre, chasseurs mais toujours sous la main, prêts à être repris à l’approche d’une ville, d’une route.

La Feuille : Cette année, nous avons dû arrêter 4 ou 5 fois. C’est stressant pour nous, mais l’urbanisation nous contraint à le faire. C’est très frustrant d’arrêter, pourtant il faut le faire. On arrive à s’en remettre mais les chiens ne comprennent pas. Arrêter, c’est dévastateur pour une meute qui est calée.

A. G. : Hormis l’entretien de la meute et votre participation à la chasse, quelles autres responsabilités vous incombent en qualité d’homme de vènerie ? Vous semblent-elles importantes ?

Débuché : J’essaie d’entretenir de bonnes relations avec tous les riverains des forêts dans lesquelles nous chassons, tout notre environnement mais aussi avec les supermarchés et les usines qui nous fournissent la nourriture pour les chiens. Compte tenu du nombre de chiens, notre chenil est soumis à « enregistrement » à la DDTM, ce qui exige un vrai suivi des procédures administratives.

Laverdure : J’ai la chance d’être dans un équipage qu’on pourrait dire familial, constitué en association, où chacun participe à sa manière avec un maître d’équipage très présent pour le bon déroulement de la vie de l’équipage. Hors l’entretien du chenil, l’élevage et l’action de chasse, je fais, avec l’accord de l’ONF, un peu de broyage en forêt dans les cloisonnements sylvicoles et d’ouverture d’allées pour le confort des laisser-courre et faciliter l’accès aux jeunes chiens.

Vol au Vent : Les autres responsabilités que nous pouvons avoir sont le relationnel avec l’environnement autour de nos territoires, comme les droits de suite qui sont très importants pour les laisser-courre de l’équipage dans nos petits territoires.

La Feuille : En plus des chiens, je m’occupe de trois chevaux. Je m’occupe aussi des relations avec les riverains. Il faut aller voir les gens, discuter, faire découvrir ce que l’on fait et comment on le fait. C’est aussi connaître son territoire. J’aime partir à la découverte de la forêt et de ses animaux, avant la saison, à pied, à vélo ou à cheval. Le mieux est d’y aller à cheval parce que les animaux ne voient pas l’humain en premier.

A. G. : Dans la société contemporaine, la vènerie est contestée par l’opinion, parfois jusqu’au cœur de nos forêts. Quelles vous semblent être les conditions de sa persistance ?

Débuché : Tout d’abord continuer à rendre la vènerie populaire et accessible aux jeunes, respecter les consignes et les recommandations, les faire respecter par les boutons et les suiveurs. Pour résumer, être respectueux de notre environnement, tout en respectant les traditions de la vènerie.

Laverdure : Le président de la Fédération Nationale des Chasseurs dit : « on ne doit plus vivre caché » et « la chasse, on ne doit pas la défendre, on doit l’expliquer ». Je pense qu’il a raison. Ça va être dur de faire changer l’opinion de la société actuelle « anti-tout » qui vit loin de la nature. Mais il est important de nous ancrer dans le paysage, montrer qu’on est là, qu’on existe, essayer d’attirer les personnes les plus ouvertes d’esprit. Et puis, je fais confiance à la Société de Vènerie qui a bien compris le tournant de notre existence et qui est de plus en plus présente sur le front.

Vol au Vent : À mon avis, il faut que nous soyons irréprochables aussi bien sur notre tenue, que vis-à-vis de nos animaux. Il faut que notre manière de chasser s’adapte même si c’est déstabilisant et pas du tout évident.

La Feuille : Je formule le vœu qu’il n’y ait pas d’incartade et que chacun respecte les directives de la Société de Vènerie. Il faut aussi expliquer la vènerie à ceux qui la critiquent et ne connaissent que ce qu’en disent les réseaux sociaux. Pour moi, nous sommes dans la beauté et la légalité, et il faut le dire.

A. G. : Quelles sont les qualités principales qui caractérisent un bon piqueur ?

Les réponses de nos interviewés se recoupent ; en voici donc la synthèse : Courage et passion, l’un sans l’autre ne suffit pas ; bon éleveur ; bon cavalier ; bon sonneur ; ponctualité ; bonne présentation ; respect, courtoisie et diplomatie envers les boutons, les propriétaires et les riverains ; bonne tenue du chenil ; soin et affection pour les chiens et les chevaux. Le travail au quotidien avec les chiens est un atout primordial pour la réussite à la chasse.

Et pour finir, trois qualités pour réussir : la confiance envers ses chiens ; l’écoute de ses chiens d’abord et ensuite des hommes ; la connaissance du territoire.

Lettre ouverte à Alain Finkielkraut

Cher Alain Finkielkraut,

Cher Maître,

C’est un honneur pour les chasseurs en général et les veneurs en particulier que vous ayez consacré à la chasse votre émission Répliques du samedi 13 janvier. Chaque semaine sur France Culture, vous vous faîtes, avec le soutien d’invités de haut niveau, un observateur remarquable du monde tel qu’il va. Pétri de culture littéraire et philosophique, vous faîtes résonner, au long de vos émissions, les vérités profondes d’une analyse éloignée des idées préconçues et de la doxa dominante.

Avec l’audace qui vous caractérise, vous avez choisi d’aborder ce sujet immémorial, la chasse, où l’homme rencontre l’altérité : le monde sauvage. Le risque était de vous voir chausser les lunettes de l’intellectuel urbain bien éloigné de cette rencontre fascinante de l’homme-chasseur avec la nature. Tel ne fut pas le cas. Votre émission fut passionnante ; elle m’inspire quelques commentaires.

Vous vous interrogez, avec votre invité vétérinaire, sur la sensibilité des animaux et leurs souffrances. Il est légitime qu’un praticien s’attache à réduire la souffrance. Mais la souffrance va de pair avec la sensibilité. La souffrance est l’expression extrême d’une sensibilité en alerte ; on ne se brûle que parce qu’on perçoit la chaleur. Tout organisme vivant est animé par une sensibilité : le tournesol qui suit le parcours du soleil pour s’en nourrir, comme la vache – que vous aimez tant – qui recherche le courant d’air plus que l’ombre par temps de canicule, ou la mousse qui se cache au Nord du tronc des arbres. La sensibilité, et donc la souffrance, c’est la vie. Tout être vivant ne doit sa survie qu’à sa capacité à ressentir. Qui ressent souffrira ; et c’est d’autant plus vrai dans la nature.

Avec votre amie Elisabeth de Fontenay, vous embrassez « les animaux » dans une condition unique et généralisante ; la chasse vous invite à un distinguo déterminant. Il n’est pas possible d’évoquer la « cause animale » comme une globalité. L’être humain entretient avec le règne animal des relations extrêmement variées selon la catégorie à laquelle appartiennent ses espèces : les animaux de compagnie, les animaux de rente, les animaux sauvages. Mieux, les devoirs de l’homme ne sont pas de même nature selon que les animaux appartiennent à l’une ou l’autre de ces catégories.

  • Pour son plaisir, l’homme fait naître les animaux de compagnie (chiens, chats, chevaux, etc.) ; ses devoirs sont donc immenses vis-à-vis de ces êtres vivants, ses « compagnons » : soins, alimentation, confort, relation, activité.
  • Les animaux de rente sont destinés à l’alimentation de l’homme tant qu’il sera carnivore. Ils lui fournissent aussi la matière de ses vêtements. L’homme, qui les fait naître également, leur doit les soins nécessaires à leur meilleure productivité, dans le respect de conditions sanitaires strictes.
  • La reproduction des animaux sauvages, quant à eux, n’est pas contrôlée par l’homme, qui doit donc assurer leur régulation pour rendre leurs populations compatibles avec ses activités (agricoles, routières, urbaines) ; cette régulation passe par la chasse, qui est aussi le point de connexion ultime avec la partie du monde que l’homme n’a pas domestiquée. Cette chasse doit être éthique, c’est-à-dire respectueuse de l’animal chassé. Parce qu’elle est le mode de chasse le plus proche de la prédation naturelle, la vènerie est, à ce titre, la plus éthique.

Point n’est utile de stigmatiser les chasseurs par l’évocation des mauvais comportements de certains ; ceux-ci existent dans toutes les activités humaines. Le football n’est pas mauvais, même si les supporters de la tribune Nord de Boulogne ne sont pas des anges. Le transport automobile n’est pas condamnable, même si des milliers de personnes meurent encore chaque année sur les routes de France victimes de chauffards.

Avec la chasse, vous abordez la relation des hommes avec les animaux dans sa dimension la plus tragique, mais peut-être aussi la plus authentique. La curiosité et l’intérêt que vous avez manifestés tout au long de l’émission témoignent de ce que vous y êtes sensible ; soyez-en à nouveau remercié. Les chasseurs comme les veneurs forment des vœux pour avoir su piquer votre curiosité et vous donner l’envie d’aller plus loin dans votre connaissance de leur monde.

Veuillez croire, cher Alain Finkielkraut, cher Maître, en l’expression de la plus profonde considération d’un de vos fidèles auditeurs.

Ecoutez l’émission du 13 janvier 2024, consacrée à la chasse

Antoine Gallon
Société de Vènerie
La Société de Vènerie est l’association qui regroupe tous les veneurs de France

13 déc. 2023 : Anthropomorphisme ou anthropocentrisme : tel est le débat !

Humbert Rambaud et Vincent Piednoir, journalistes cynégétiques bien connus*, sillonnent les plateaux de télévision pour parler de leur (excellent) livre « L’Ouverture de la chasse », paru aux Presses de la Cité. Avec une sensibilité rare, ils expriment leur bonheur de « chasser pour chasser », écartant toute autre justification.

Ils étaient en novembre les invités de l’émission de Frédéric Taddeï « les visiteurs du soir » sur Cnews. Face à eux, Thomas Lepeltier, historien, philosophe des sciences et antispéciste. Les échanges sont courtois et parfaitement maitrisés par Frédéric Taddeï ; c’est suffisamment rare pour être souligné. Ces circonstances apaisées permettent de mieux apprécier les arguments qui sont opposés aux chasseurs.

Thomas Lepeltier dénonce la classification des animaux dans la catégorie des « biens meubles. » Ce faisant, il commet une erreur d’appréciation. Le fait que les animaux domestiques soient un bien signifie qu’ils appartiennent à quelqu’un qui, dès lors, assume la responsabilité de leurs conditions de vie ; on dirait aujourd’hui de leur bien-être. Le fait qu’ils soient « meubles » signifie qu’ils peuvent être déplacés – par opposition à un bien immeuble – du latin « mobilis » ; ça ne veut pas dire qu’ils sont assimilés à une chaise ou une table. Un animal domestique qui ne serait pas un « bien meuble », c’est un animal sans propriétaire, un animal abandonné donc ; a contrario, un animal domestique qui est un bien meuble est sous la responsabilité de son propriétaire. Quant aux animaux sauvages, ils sont « res nullius, » c’est-à-dire qu’ils n’appartiennent à personne, jusqu’à ce qu’ils soient chassés ; ils sont alors réputés appartenir à celui qui les chasse et qui en prend la responsabilité. L’inculture juridique ne suffit pas à justifier pareil contre-sens !

Ensuite, Thomas Lepeltier dévoile la révélation messianique due aux animalistes : c’est maintenant prouvé, les animaux sont doués de sensibilité ! Mais de quelle planète vient-il ? Il faut ne jamais avoir eu un chien ou n’avoir jamais croisé un chevreuil en forêt pour ignorer cela. Le chien « parle », avec ses yeux, avec sa gestuelle ; il comprend des dizaines de mots – voire des centaines dans certains cas. Le chevreuil qui semble paitre paisiblement est aux aguets de tout bruit, toute odeur, qui pourrait représenter un danger. Cette sensibilité, c’est, pour les animaux comme pour les hommes, la condition de la survie de leur espèce.

L’antispéciste Thomas Lepeltier accuse aussi nos deux auteurs et tous les chasseurs avec eux d’anthropocentrisme ; il n’y a rien là-dedans de répréhensible, si l’on admet que cela implique pour les hommes une responsabilité centrale à l’égard de l’ensemble du monde vivant. En réalité, si les chasseurs sont des anthropocentristes assumés, les antispécistes, eux, sont anthropomorphistes, en ceci qu’ils prêtent aux animaux, et notamment aux animaux sauvages la même perception du monde que celle des hommes ; et cela n’est pas possible. L’homme est le prédateur suprême en haut de la pyramide alimentaire ; certains peuvent le déplorer mais c’est l’histoire du monde. Les facultés qu’ont développées les animaux, et notamment les animaux sauvages, sont sans commune mesure avec celles des hommes ; les uns sont prédateurs, les autres proies ; une ligne de démarcation infranchissable.

Enfin Thomas Lepeltier en appel à une « rationalité » pour interdire la chasse qui causerait de grandes souffrances. Mais cette rationalité n’existe que dans sa tête ; cette idée que le prédateur ne devrait plus chasser une proie est « venue du ciel » selon l’expression de Vincent Piednoir ; elle ne correspond à aucune réalité tangible.

Antispéciste et végétarien, Thomas Lepeltier a le droit de ne pas manger de viande, et nous serons sans doute de plus en plus nombreux à agir de même parmi les populations bien nourries ; inutile cependant de le proposer, pour le moment, aux 735 millions de personnes qui, dans le monde, souffrent de malnutrition ; le succès de la proposition est loin d’être assuré.

En fait, le problème des antispécistes est celui de toutes les idéologies extrémistes : vouloir imposer MAINTENANT et PARTOUT leur point de vue ; c’est d’ailleurs ce qui constitue la meilleure garantie de leur échec, tant les mutations du monde demandent d’abord et avant tout du temps pour se réaliser. Si leur analyse est la bonne, qu’ils soient rassurés, elle s’imposera avec le temps. Sinon…

*Humbert Rambaud est rédacteur en chef et Vincent Piednoir rédacteur en chef adjoint de Jours de Chasse.

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