Au quotidien, Stéphane Genin s’occupe notamment des 130 chiens de chasse au château de Cheverny. Le métier de piqueux demande une implication toute l’année, même hors des périodes de chasse.
Les dizaines de chiens dans le chenil principal du château de Cheverny profitent calmement de l’ombre. Une apparition de quelques secondes, au loin, de Stéphane Genin a suffi à les faire bondir, courir et aboyer pour réclamer une caresse. « Ils reconnaissent bien leur maître », s’amuse un visiteur.
« Ils ont un flair incroyable et pourraient me sentir entre cent visiteurs », confie d’une voix calme « Daguet », comme on l’appelle dans le monde de la vénerie. Le Creusois de 42 ans est arrivé en 2016 au château de Cheverny, choisi parmi une vingtaine de candidats pour devenir le premier piqueux, accompagné d’un second, Frédéric Villette alias « La Rosée ».
Près de 160 kg de nourriture pour l’hiver.
« Je m’occupe des 130 chiens, d’une trentaine de chiots, des 17 chevaux et de l’organisation des chasseurs dans les 2.000 hectares de la forêt de Cheverny. » Ancien garde-chasse dans le bassin d’Arcachon et membre de l’équipage Pic Hardy Gascogne en Gironde pendant quatorze ans, l’amoureux « des chiens » observe la meute se reposer.
Car la saison de la chasse à courre du cerf « a lieu du 15 septembre au 31 mars ». Alors, Stéphane Genin « lave et désinfecte » chaque jour les trois chenils de chiens anglo-français tricolores (chiots pour le renouvellement, femelles en chaleurs et mâles).
Pour les nourrir, il faut compter « 80 kg de nourriture chaque jour l’été et le double l’hiver ! » grâce à des invendus de boucheries, de supermarchés, « avec des carcasses de volailles, des croquettes et des pâtes ».
Voir la meute « grandir ».
Bottes au pied, le piqueux est dans son élément. « Là, on a Rhubarbe et Résine », présente celui dont la main est léchée par une dizaine de chiens difficiles à identifier.
Une meute qu’il « adore voir grandir. J’aime voir des chiens homogènes morphologiquement et dans les couleurs des robes. Et qu’ils aient un bon taux de réussite lors des chasses ! »
Une meilleure saison que la précédente ?
Pour s’y préparer, les chiens « retrouvent » leur condition physique cet été lors de balades « quotidiennes » en vélo autour du piqueux. « Ils courent derrière moi dans le parc » « La dernière saison a été mauvaise avec douze cerfs pris, contre une trentaine dans une bonne saison. »
Bien qu’il réponde « avec plaisir » aux questions des visiteurs, « Daguet » remarque « beaucoup d’a priori » sur la chasse à courre. « 90 % des gens retiennent l’image cruelle des chiens qui dévorent le cerf mais ils ne voient pas la technique et le travail autour d’une chasse qui dure entre 2 et 8 h. »
Les ruses du cerf
Au château de Cheverny, haut lieu de la chasse à courre avec chevaux et chiens depuis 1850, le piqueux défend « une régulation pour équilibrer la population d’animaux car sinon il n’y a plus de forêt ». Avec une telle histoire, le rituel ne manque pas de précision avant chaque partie de chasse pour l’équipage dirigé par le marquis Charles-Antoine de Vibraye.
Face au cerf, qui a 50 % de chance de gagner, la moindre erreur est fatale.
Stéphane Génin, piqueux au château de Cheverny
« On gère les chiens de chasse comme une équipe de football, en fonction des qualités et des défauts , précise Stéphane Génin. À la veille des deux chasses par semaine, je fais une liste de 40 à 50 chiens, avec un équilibre entre les âges, les bons et les moins bons. Sinon, la jalousie s’installe ! »
Avec quelques impératifs. « Il faut un bon chien de change car il repère le cerf à chasser et il ne change pas de cible, malgré les ruses du cerf. Les jeunes chiens donnent de la rapidité et sont stabilisés par les vieux chiens. Face au cerf, qui a 50 % de chances de gagner, la moindre erreur est fatale. Si les chiens le trouvent, leur récompense est de pouvoir manger la carcasse. » Cette « difficulté » participe à la « passion » du Creusois pour son métier.