L’Union – lun. 16 sept.
Dans leur chenil de Folembray, les chiens, pour majorité des anglo-français tricolores, aboient en attendant leur « soupe ». Le piqueux, qui s’occupe de la meute, a préparé le repas.
« Il y a de la viande, des invendus de supermarché avec qui on a un partenariat ou des produits qui viennent d’abattoirs du secteur, et des croquettes », détaille celui que l’on surnomme ici Daguet, comme les jeunes cerfs. À 20 ans, il a déjà fait une saison et demie en tant que piqueux et avant ça, une saison en tant que second. Le jeune homme s’est pris de passion pour les chiens puis la chasse très jeune, à à peine une dizaine d’années. « J’ai appris avec mon frère. J’étais bénévole dans un équipage puis j’ai eu ma première place à 16 ans. »
Le piqueux s’occupe des chiens au quotidien. Une passion qui a pris celui que l’on surnomme Daguet, dès le plus jeune âge. – Gaël Hérissé
Dans sa meute, « Il y a 130 chiens dont une trentaine de chiots. Il m’a fallu 3 semaines pour les reconnaître tous. » Alors que les chiens se nourrissent, il fait une démonstration. Il pointe l’un des membres de la meute. « C’est Pirate. » Il hausse la voix : « Pirate ! » Le chien s’arrête en plein repas et vient au pied du piqueux. L’exercice marche à chaque fois. « Ce sont des athlètes. Les portions de repas sont calculées, en fonction des périodes de repos ou de chasse. » Daguet vit à côté du chenil. « Toutes les fenêtres de ma maison donnent sur les chiens. » Il explique partir rarement en vacances pour ne pas s’éloigner de sa meute.
Ici, on ne chasse que le cerf mâle
Les animaux sont marqués. « Souvent, on nous dit que c’est fait au fer rouge. Mais je ne serais pas d’accord. Le marquage se fait aux ciseaux en coupant les poils pour dessiner le symbole de l’équipage. Un V. »
Si, historiquement, l’équipage Nomade chassait le cerf et le sanglier, d’où son emblème, aujourd’hui, il ne chasse que le cerf mâle.
Les yeux rivés sur les canidés, Edouard Bonduelle est un jeune membre de l’équipage. Il a 24 ans. « Je baigne dans la vénerie depuis que je suis petit. Mon grand-père était président de l’équipage. C’est une association. » Lui vit à Paris, mais revient régulièrement le week-end et les jours de chasse. « Le symbole de notre équipage représente un cerf et un sanglier. Mais nous ne chassons que le cerf mâle. »
Il explique que l’équipage ne chasse qu’un cerf lors d’une sortie. « On ne peut pas changer de proie en cours de chasse. C’est aussi ce qui explique que 4 cerfs sur cinq nous échappent », sourit Edouard. « L’an passé, sur 50 chasses, nous avons pris 12 cerfs. » Le piqueux précise : « parfois, l’animal traqué se « harde », il rejoint son troupeau. Les chiens vont alors le faire sortir de sa harde, mais s’ils repèrent un cerf plus faible, il se peut qu’ils changent alors de proie. »
Entre tradition et règles modernes
Mais on l’assure ici, « les chiens traquent jusqu’à encercler le cerf chassé, mais ils ne l’attaquent pas. Le cerf est servi [abattu, NDLR] par un homme. Soit au couteau, soit au fusil. » Le fusil étant de plus en plus utilisé « pour éviter que l’animal souffre » en cas de geste mal exécuté et que l’homme soit blessé.
Avec cette journée portes ouvertes, les veneurs veulent mettre à mal les préjugés qui entourent la chasse à courre. Car si ce jour, on croise essentiellement des pratiquants et sympathisants, la pratique a de nombreux opposants qui dénoncent, régulièrement au niveau national, des dérives. Souvent lorsqu’un animal est abattu à proximité ou dans des terrains de particuliers.
On n’attaque, ne lance la chasse, que sur les terrains domaniaux.
En décembre 2023, un autre équipage avait rencontré l’opposition de plusieurs Gobanais parce que, témoignait l’un des habitants, « ils ont chargé un sanglier tué à côté des maisons sur un terrain privé au cœur du village. » Mais dans l’équipage Nomade on assure que lors d’une chasse « on ne s’approche pas des maisons à moins de 500 mètres, comme le veut la loi ». Daguet précise que l’an passé « trois cerfs ont été graciés parce qu’ils s’étaient trop rapprochés d’habitations ». Edouard complète : « On n’attaque, ne lance la chasse, que sur les terrains domaniaux. Nous avons ensuite des accords avec des propriétaires privés, des droits de poursuite, pour entrer sur leur terre et poursuivre la chasse. »
Il y a l’envie de s’ouvrir aux autres et aussi le besoin de voir la passion perdurer. « Je n’ai pas le sentiment que la chasse à courre soit menacée. Il y a de plus en plus d’équipages en France. Dix ont été créés l’an dernier », argumente Edouard. L’hallali ne sonnera pas pour la vénerie. « Le seul risque, selon lui, vient des décisions politiques. » Il évoque les écologistes. « Mais nous nous adaptons entre ce qui fait la tradition de la chasse et les nouvelles réglementations. »