La troïka merveilleuse

Edito d’Antoine Gallon

On le dit régulièrement, la chasse à courre est le mode de chasse le plus naturel, en ceci qu’il reproduit l’acte de prédation qui structure la chaîne alimentaire depuis la nuit des temps. Et c’est d’ailleurs son caractère naturel qui est peut-être la cause de son incompréhension par certains de nos contemporains. A l’heure des réalités virtuelles des gamers et des faits alternatifs des présidents américains, nos contemporains vivent de plus en plus éloignés de la vérité du monde naturel. Comme l’écrit Jacques Salomé dans « La vie à chaque instant » (2012), « L’ennemi de la vérité n’est pas le mensonge, mais le déni entretenu par certaines croyances qui vont s’imposer à nous comme des certitudes. » Et plus que jamais, dans une époque où l’émotion domine toute perception des situations et au titre de laquelle chacun se croit habilité à avoir un avis sur tout, les croyances règnent en maître. « Dieu est mort, Marx est mort et moi-même, je ne me sens pas très bien » disait Woody Allen. Et si Dieu, Marx et le cinéaste newyorkais sont aujourd’hui quelque peu démonétisés, ils ont cédé la place à une nouvelle idole, promoteur d’une vision fantasmée du monde sauvage, qui fait pleurnicher les miss sur les plateaux de télévision.

Mais la vènerie n’est pas qu’une pure copie de la prédation naturelle. Elle est aussi la manifestation du génie humain qui s’allie le chien et, bien souvent, le cheval. Pour chasser à courre, le veneur élève, dresse et entraîne une meute de chiens courants. Quel chemin parcouru depuis la domestication des premiers chiens, descendants du loup craintif, lui-même prédateur de l’Homme ! Quelle somme de patience et de persévérance il aura fallu au veneur pour identifier et sélectionner, à travers les âges, les races des chiens les plus aptes à chasser avec succès les animaux de vènerie ! Endurance, finesse de nez, gorge puissante : tout cela, le veneur le requiert de ses chiens de meute.

Parlons aussi du cheval, avec qui le veneur chasse les animaux les plus rapides et les plus endurants, et sans le secours duquel il lui serait impossible d’être aux chiens ou plus simplement de suivre la chasse. Le cheval, la plus noble conquête de l’Homme, mais pas la plus facile ! Et même si les chevaux de vènerie ne sont pas sélectionnés parmi les plus rétifs, que d’énergie il aura fallu consacrer à leur sélection, leur dressage et aux soins à leur prodiguer. Que de temps il aura fallu au cavalier débutant pour comprendre sa monture et la bonne manière de la solliciter. « Qui veut voyager loin, ménage sa monture » disait Racine dans Les Plaideurs ; mais qui veut chasser jusqu’à l’issue de la journée doit, lui aussi, ménager son cheval, l’entrainer avant, doser son effort pendant et le soigner après la chasse.

Chiens, chevaux, veneurs se trouvent donc réunis par la volonté des hommes pour livrer un combat loyal entre la meute et l’animal chassé suivant une éthique stricte. Et quand toutes ces conditions sont réunies, advient le mystère de la chasse à courre, l’union magique du veneur, de ses chiens et de son cheval : la troïka merveilleuse !

Bonne saison 2024/2025, à pied comme à cheval

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