Xavier Legendre, fin connaisseur de la faune sauvage, a vu peu à peu la biodiversité et l’environnement cynégétique se modifier.
« Pour être un bon chasseur, il convient de connaître l’environnement dans lequel pratiquer. »Xavier Legendre, vétérinaire retraité, président de l’Association départementale des chasseurs de grand gibier dans l’Indre et vice-président de la Fédération de chasse dans ce département pendant plusieurs années, a développé une expertise de la nature et de l’évolution du territoire cynégétique de la région. Particulièrement impliqué dans la vénerie,« qui est pour [lui] l’un des modes de chasse les plus purs et les plus intéressants », il a très tôt défendu le gibier d’eau et s’est intéressé à des activités concernant la faune dans l’Indre.
Passionné par le cerf, dont de beaux spécimens étaient tués en février, — « à l’époque, explique-t-il, la population de cerfs augmentait alors que celle du petit gibier diminuait. Les chasseurs de grands gibiers étaient des chasseurs de lapins reconvertis » — Xavier Legendre conçoit il y a plus de vingt ans un plan de protection des mâles adultes reproducteurs inspiré du groupement d’intérêt cynégétique du Cosson (Loir-et-Cher). Favorisant la chasse des jeunes cerfs (75 à 80 %), la sélection naturelle opère ensuite d’elle-même. Le plan, qui fonctionne, n’a qu’une seule mesure obligatoire : la présentation des trophées en fin de saison afin de vérifier en interne la réussite des prélèvements. Le taux d’accroissement des cervidés étant de 25 à 30 %, « il semble évident de répercuter ce chiffre sur le plan de chasse, précise Xavier Legendre. Mais l’analyse des mandibules des animaux abattus aidant à comprendre l’évolution de la population, a permis de constater qu’en plusieurs années, le nombre de cervidés âgés de 9 ans et + augmentait, mais hélas aussi, ceux d’un an. »
Même s’il trouve toujours dommage de tuer des animaux, Xavier Legendre alerte sur l’évolution des cervidés qui prend le même chemin que celui des sangliers qui « occasionnent des dégâts agricoles et forestiers accrus, développent un risque de pathologies, de collisions routières et de transmission de maladies au bétail domestique. » Un contrôle du sang prélevé bénévolement sur le terrain par des chasseurs permet en revanche de vérifier que la faune sauvage reste saine pour l’instant.
Selon lui, les chasseurs se focalisent trop sur le gibier,« or, l’équilibre est très complexe, l’écologie appliquée réside dans la relation des êtres entre eux », insiste-t-il. Les espèces considérées comme nuisibles ne sont pas, d’après lui, la problématique. Les espèces envahissantes comme le loup, en revanche, sous la protection de trois législations, risquent d’engendrer les mêmes déséquilibres que les cormorans ou les sangliers dont « la situation nous a échappé, causant de grandes atteintes à la biodiversité ».
Le climat et les activités humaines modifiant le paysage jouent un rôle essentiel sur l’évolution des espèces. Le chevreuil, par exemple, dont la femelle ne conserve pas le gras, est plus vulnérable lors de la mise bas.« Très sensible à la sécheresse, l’espèce peut très vite se retrouver en danger si les périodes caniculaires se succèdent. Cela a été le cas en 2003. »
Concernant le petit gibier,« le problème tient de l’aménagement du territoire, avec des choix de culture, d’abris, et il est soumis lui aussi aux aléas climatiques. Malheureusement, la population souffre. Le lapin, gibier populaire par excellence, a disparu après des maladies virales en recrudescence. Il est devenu quasiment une espèce menacée, qui l’eut cru ? La champagne berrichonne connaissait aussi de belles compagnies de perdrix qui ont disparu. »
Les bouleversements climatiques auront probablement des incidences à terme sur la biologie du gibier. Mais « depuis que le monde est monde, il y a eu des extinctions, nous sommes dans la 6e et elle va beaucoup plus vite que les autres. Nous perdons en biodiversité sans que ce ne soit lié à la chasse. La nature n’est ni bonne ni mauvaise, elle est. » Des propos qui confrontent l’Homme à ses responsabilités tout en l’invitant à faire preuve d’humilité et comprendre la modeste place qui est la sienne.