Aucune arme. Juste une meute de chiens lancée derrière un lièvre, plus rapide et plus malin. Dimanche 5 mars, dans la forêt d’Aroz, notre journaliste a couru avec les chiens du Rallye Loue-Lison et tenté de comprendre cette passion qui fait vibrer les nemrods, loin des polémiques. « Une chasse écologique » dit un passionné.
Pistache, Picasso et Ombrelle ont l’autorisation de leur maître, Robin Cart , de descendre du camion. Ces chiens de vènerie, âgés de quatre et cinq ans, posent leurs coussinets dans le sol gelé du bois d’Aroz, dimanche 5 mars. Les queues frétillent. Anglo croisés ariégeois, ils ont l’air heureux, loin du cliché que certains, « les anti chasse veulent faire porter », lâche un chasseur. Ils ne sont pas méchants, encore moins mordants. Personne ne les affame pour les inciter à manger la première proie qui passe par là. « Tout ceci ne sont que des clichés faisant croire que le chasseur s’occuperait mal de son plus fidèle ami », pointe un nemrod.
« Nos chiens, nos amours, des athlètes de haut niveau »
« Je ne suis pas persuadé qu’un petit chien qui reste toute la journée sur un canapé est heureux. Les nôtres, on les aime, chaque jour nous sommes avec eux, on leur prépare la ration de nourriture en calculant les protéines. Ce sont des athlètes de haut niveau domestiqués qui expriment leur instinct primaire : chasser. »
Cette phrase résonne dans la bouche d’ Hervé Cart, aussi fort que rapproche sa meute de 15 chiens au contact d’une voie de lièvre. Passionné par le chien courant, il a créé, le 19 mai 1998, l’équipage de vènerie Loue-Lison. L’ensemble de ses chiens sont créancés dans la voie du lièvre, c’est-à-dire qu’ils sont éduqués pour pister cet animal. Rien d’autre. Ce sont des centaines d’heures passées avec le chien à la chasse, bien sûr, et le reste de l’année.
Le lièvre, rusé
Dimanche 5 mars, l’association intercommunale de chasse agréée d’Aroz organisait une chasse à courre dans la voie du lièvre. Une centaine de participants a suivi et écouté la meute. À 9 h, une heure après que les chiens ont été lâchés, pas un coup de gueule n’avait résonné. « C’est trop sec. La voie est mauvaise », commente un disciple de Saint-Hubert. 9 h 52, après avoir traversé la forêt communale d’Aroz, les chiens sortent dans les champs de Bucey-lès-Traves.
Une des chiennes, sans doute à l’odorat plus fin que les autres, donne un coup de gueule. Ses compères arrivent. Soudain, un lièvre blotti dans un sillon de labour se lève devant une trentaine de personnes. Sans les chiens, le « capucin » aurait tout simplement attendu, bien camouflé, que les humains passent. Là, il s’échappe. Les chiens de tête partent ventre à terre, direction la forêt. Rapidement, le lièvre prendra plusieurs centaines de mètres d’avance, il reviendra même sur ses traces pour perdre la meute. « C’est ce que l’on appelle un hourvari, la ruse utilisée par une bête traquée pour mettre les chiens en défaut », indique Robin Cart, 28 ans, infirmier de métier passionné de chasse à courre depuis son plus jeune âge.
« Rapport proie prédateur »
12 h 30 : la meute arrête de chasser. « Le lièvre a fait le change, c’est-à-dire qu’il est allé rencontrer un autre lièvre pour perdre les chiens. Dans ce cas-là, on arrête. Il a été plus malin. » Ce matin-là, aucun coup de feu puisque personne n’était armé. « La prise d’un lièvre arrive une fois sur huit », calcule un piqueux, homme d’équipage qui s’occupe de la meute au chenil. La plupart des participants ont suivi à pied ou à vélo. « La chasse à courre, c’est la plus écologique. C’est le rapport proie prédateur comme une meute de loups », commente le président de l’AICA Emmanuel Jeunot. Ce dimanche ensoleillé a offert une rencontre entre diverses générations et professions. En milieu rural, la chasse reste un vecteur de lien social.